Sciences naturelles – 1962

Par Société des agrégés, le 16 octobre 2014

Sciences naturelles – 1962

Des souvenirs de mon concours reviennent en ordre dispersé, comme les morceaux d’un puzzle déconstruit dont voici quelques pièces en désordre.

Mon parcours commence avec le concours  1960  présenté prématurément, ce qui n’excuse pas l’énorme faute en botanique lors de l’épreuve de l’écrit. Devant décrire des racines contenant des réserves j’ai pensé à la betterave, tout en la confondant avec le dahlia, d’où un grand dessin de racine fasciculée. Parisienne, je n’avais jamais vu de betterave entière. Je ne dis pas que le reste était brillant mais cet « exploit » improbable a été remarqué par le jury. Non admissible, donc.

L’année suivante, je me représente, mieux préparée. Ecrit et travaux pratiques se déroulent normalement, me voici à l’oral. Une malheureuse épreuve me conduit à un nouvel échec, il s’agit d’une leçon dite de démonstration qui consiste à bâtir l’exposé en guidant le jury de paillasse en paillasse dans une salle de TP, selon un habile parcours supposé traiter le sujet, d’expériences en observations. Il m’a été demandé de présenter « les acariens du fromage», avec comme matériel un gros morceau de Cantal bien mûr avec une croûte  grouillante de  petits acariens, bien luisants et grassouillets. La prestation a manqué  de panache, faute d’inspiration et d’imagination semble-t-il. Les deux autres épreuves orales n’ont pu remonter le retard pris.

Persévérante, je suis revenue vers le concours en 1962, après avoir enseigné une année comme professeur certifié.  Ecrit, TP, tout se passe bien à nouveau. Je garde le souvenir ému d’une dissection de serpent, la consigne étant de mettre en évidence son anatomie sans couper ni vaisseau sanguin ni nerf. Son corps m’a semblé bien long. Il  l’était. De la tête à la queue, le parcours était sans faute. Merci aux araignées qui m’ont permis de réaliser une des meilleures copies. Il valait mieux les  rencontrer à l’écrit qu’à l’oral, du fait qu’en chair et en pattes ces  animaux me terrorisent. Et il m’a fallu du courage pour faire fonctionner pour de bon devant le jury  un autoclave pour un sujet sur les méthodes de la microbiologie, car cette énorme cocotte-minute sous pression me semblait vouloir exploser à la moindre erreur de réglage.

Me voici donc cette fois ci arrivée au bout des épreuves et nommée agrégée de Sciences naturelles, option Sciences de la Terre, spécialité rare chez les femmes, plutôt biologistes.

D’autres auront certainement des récits plus brillants mais le mien est celui d’une candidate qui compense par la persévérance et son goût certain pour la discipline sa difficulté à atteindre LE niveau attendu d’un jury à juste titre exigeant et qui m’a semblé très juste dans ses évaluations.

J’ai beaucoup apprécié la dimension nationale du concours, qui met tous les candidats dans les mêmes conditions. Etudiante à Paris, j’aurais eu tendance à me croire, jusqu’au niveau  licence,   supérieure aux étudiants provinciaux car nous étions bien plus nombreux dans les amphis,(pas de place assise pour tous)  la survie y était plus difficile, l’anonymat la règle, les professeurs lointains .Et je trouvais que suivre les cours en Sorbonne donnait une valeur ajoutée aux diplômes. Pas de comparaison possible avec le concours, le succès de l’un est comparable à celui de l’autre.

Le recul permet d’évaluer l’apport du concours pour ma carrière de professeur de lycée. Ceux qui n’ont pas le titre sont prompts à dire qu’il ne représente pas grand-chose  mais l’avoir donne de l’assurance, justifiée par l’apport de connaissances  imposé par le concours et la reconnaissance d’aptitudes à faire partager ce savoir. Titre reconnu par les éditeurs, ce qui m’a aidée dans mon travail d’auteur de manuels scolaires.

National, exigeant, je souhaite que vive encore longtemps le concours de l’agrégation.

Annick Noël