Enseigner les SVTU en anglais – Anne Vergnaud

Par Société des agrégés, le 9 juillet 2013

Enseigner les SVTU en anglais – Anne Vergnaud

Agrégée de sciences de la vie et de la Terre, Anne Vergnaud enseigne en anglais au lycée Saint-Exupéry (Blagnac).

SdA – De quelles classes avez-vous la charge ?

J’enseigne à plusieurs classes de plusieurs niveaux : des secondes pendant deux heures par semaine, placées sur le créneau d’accompagnement personnalisé ; des classes de Première S SVT, ES et L réunies pour une heure hebdomadaire de cours communs ; des terminales S SVT, ES et L, pendant une heure hebdomadaire commune.

SdA – Comment s’organise le travail, dans quelle langue ?

Dans le cadre de l’accompagnement personnalisé en seconde, toutes les activités sont réalisées en anglais, avec des exercices de compréhension écrite et orale, mises en situations, jeux de rôles, prises de parole simples ou en continu. Le but est de donner aux élèves des occasions de s’exprimer le plus souvent possible et d’apprendre un vocabulaire spécifique aux sciences. Devant un public en effectif restreint, les enseignants peuvent facilement répondre à des besoins précis. Pour les premières et les terminales, l’enseignement des SVT se fait en anglais, sur certains des thèmes du programme de tronc commun de SVT. Je peux traiter le thème de mon choix car aucun texte n’impose de liste exhaustive.

SdA – Quels avantages et quels inconvénients voyez-vous à travailler dans une autre langue pour les élèves ?

Cet enseignement vient en complément du cours classique, c’est l’occasion de reprendre les notions d’une manière plus ludique ou plus culturelle selon les thèmes, de changer de regard. Cela permet souvent de revoir des points complexes ou non compris en classe, ou encore de compléter les points de vue. Par exemple quand on travaille sur la théorie de l’évolution en classe, on traite surtout des mécanismes évolutifs. En DNL, on peut par exemple, parler de Darwin, de son voyage sur le Beagle, de la façon dont sa théorie a été accueillie, du retentissement et du lien avec la société victorienne, etc. Par comparaison avec les autres élèves, ceux qui sont impliqués dans ce dispositif font preuve d’une bien plus grande aisance à l’oral. Quant aux inconvénients, je n’en vois pas, si ce n’est, peut-être, que cela alourdit leur emploi du temps de deux heures par semaines. Mais il y a beaucoup de volontaires !

SdA – Le bilan est-il aussi positif pour le professeur enseignant dans une autre langue ?

Le professeur de sciences se met un peu en danger en sortant de son statut de scientifique et les rapports avec les élèves changent : dans un autre contexte d’enseignement, on observe d’autres comportements. Par ailleurs, cela demande un travail de préparation très important pour peu de réinvestissement. On est obligé de lire une grande quantité d’articles scientifiques pour rester près de l’actualité tout en traitant les programmes. Il faut ensuite les simplifier, ce qui est assez fastidieux et il est difficile, voire impossible, de réemployer les documents utilisés d’une année à l’autre. Quelques sites de mise en commun des ressources existent mais ils ne sont pas très développés et n’apportent pas forcément une grande aide dans la mesure où il existe pratiquement autant de modalités d’organisations internes que d’établissements proposant cette spécialité. Mais cette expérience m’apporte beaucoup : nous travaillons en étroite collaboration avec les professeurs de langue. Nous apportons notre expérience scientifique, ils apportent leur grande connaissance de la langue. Chacun reste à sa place tout en nourrissant le travail de l’autre : nous restons les garants scientifiques, ils demeurent les garants linguistiques.

SdA – Si cet enseignement semble être extrêmement bénéfique à la pratique de l’anglais, pensez-vous qu’il se fasse au détriment du français ?

Non, les circuits neuronaux d’apprentissage des langues sont les mêmes et se renforcent lorsqu’on les utilise, quelle que soit la langue utilisée. Par ailleurs, c’est très clairement un complément qui permet d’être plus attentif au vocabulaire dans les deux langues.

SdA – Quelle formation avez-vous reçue, la trouvez-vous suffisante ? Adaptée ? Pourrait-elle être améliorée ?

Je n’ai reçu aucune formation spécifique avant de passer l’habilitation : j’ai suivi des cours d’anglais jusqu’à l’université par goût et en option. Aujourd’hui, il existe une formation pour les postulants, ce qui est mieux. Les stages inscrits au PAF sont devenus rares par défaut de budget. On peut bénéficier d’une formation continue, en particulier avec les DAREIC et Comenius, mais les dossiers sont longs à constituer et il faut accepter de se former pendant ses vacances.

SdA – Que pensez-vous d’une intensification des cours en langues étrangères dans l’enseignement supérieur ?

C’est un fait, la plupart des publications scientifiques sont en anglais, quoi qu’on puisse en penser. Il semble donc indispensable que les Français soient capables de s’exprimer correctement dans cette langue pour partager leurs découvertes et avoir des chances d’être publiés. Multiplier les occasions de pratiquer l’anglais n’est pas en opposition avec une bonne pratique du français.

Merci à Anne Vergnaud, SVTU 2003.