Être ou ne pas être Hamlet ? – Maurice Abiteboul
Le 19 décembre 2017
Spécialiste de Shakespeare et du théâtre élisabéthain, Maurice Abiteboul, professeur honoraire à l’université d’Avignon, a consacré de nombreuses études à cette période dont la plus récente est L’Esprit de la comédie shakespearienne (L’Harmattan, 2013). Dans le présent ouvrage, il a rassemblé un certain nombre d’articles portant sur Hamlet et parus dans plusieurs cahiers de la revue Théâtres du Monde, pour poursuivre, comme il le dit lui-même, l’enquête entreprise précédemment dans l’ouvrage Qui est Hamlet ? (L’Harmattan, 2007). Il s’agit pour lui, par une analyse approfondie, de « restituer aussi exactement que possible les contours du personnage et la configuration de sa situation au coeur du drame ». Son objectif constant est et demeure de mettre en évidence ce qui doit nous permettre de répondre à cette unique question, essentielle pour qui souhaite approcher Hamlet au plus près : (peut-on/faut-il) être ou ne pas être Hamlet ? (pp. 12-13).
Suivent ces articles portant sur « La recherche du temps perdu dans Hamlet », « Qui est (le vrai) Hamlet ? », « Hamlet… entre autres : de l’altérité à l’aliénation et retour au même », « De l’importance de l’amour (et de l’amitié) dans Hamlet », « Présence de l’esprit philosophique », « Trahir Hamlet… ou ne pas traduire : à propos de la traduction française, au cours des siècles, du monologue To be or not to be (III,1, 56-90) ». L’auteur s’attache tout d’abord à montrer l’importance de la temporalité dans le comportement et le destin du héros tout pétri de contradictions, écartelé entre « temps d’urgence et temps immobile ». Constamment à la recherche d’un temps perdu, Hamlet ne retrouvera ce temps qu’après bien des vicissitudes, des atermoiements, une réelle souffrance, et l’accomplissement d’une mission qu’il tardera à remplir. Le second article examine l’itinéraire spirituel d’Hamlet et met en évidence son parcours mental entre altérité et aliénation et son retour au même. En rejoignant le monde des humains dont il s’était écarté, le prince retrouvera finalement force, équilibre et identité. Le thème de l’amour, de l’affection et de l’amitié occupe le troisième article. En fait, ces trois formes d’un même sentiment sont exprimées, dans Hamlet, par le seul mot « love » qui apparaît environ quatre-vingts fois dans la pièce, et joue un rôle important dans l’infléchissement du destin des personnages. L’article suivant est consacré à l’esprit philosophique qui imprègne la pièce.
S’appuyant sur des réminiscences et des allusions à la sagesse antique, la pièce se réclame du scepticisme, du stoïcisme, voire d’une certaine forme d’épicurisme. Plus encore, elle revient sur cette question de l’Être, chère à Parménide, qui est au fond sa question centrale. Dans le dernier article, Maurice Abiteboul examine une quarantaine de traductions portant sur le fameux monologue d’Hamlet, depuis la traduction de Voltaire (1729, 1761) jusqu’à celle de Jean-Michel Ribes (2016), en tenant compte du « rapport entre rigueur scientifique et vigueur esthétique » (p. 287). Tout en admettant que traduire ce monologue comporte le risque de le trahir (« traduire/trahir ou ne pas traduire, là est la question », p. 290), il tente lui-même de nous proposer une traduction, au demeurant excellente (pp. 289-290), et termine sur une note amusante, en nous offrant la traduction du monologue par Google. Comme quoi, la machine, malgré ses prouesses techniques, ne pourra jamais avoir l’esprit de finesse d’une intelligence humaine !
Par Jean-Pierre Mouchon
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Maurice Abiteboul, Être ou ne pas être Hamlet ?, Columbia, SC, CreateSpace, 2017, 297 pages