Dernières nouvelles du paradis – Maurice Abiteboul

Le 19 décembre 2017

Dernières nouvelles du paradis – Maurice Abiteboul

Universitaire distingué, remarqué pour ses publications consacrées au théâtre élisabéthain, Maurice Abiteboul est également écrivain et poète. À la suite de ses recueils de poèmes chez Édilivre (Itinéraire bis, 2012, Le Temps de toutes les solitudes, 2014, L’Humeur vagabonde, 2015, et Dans les sillons du temps, 2017), il revient à la nouvelle, qu’il avait déjà abordée dans Marcel Proust et ma mère (L’Harmattan, 2009).

Comme toujours, l’auteur est sensible à la fuite du temps auquel il oppose sa bonhomie, sa philosophie sereine, sa douce ironie, son humour empreint de tendresse et d’une légère touche de mélancolie. Aussi, si des regrets pointent parfois dans ses récits, s’il se pose des questions d’ordre métaphysique (« Alors, mon vieux, ça va ? »), il se ressaisit vite. Les situations décrites, les réactions des personnages évoqués ne versent pas dans le tragique. Par exemple, dans « Une rencontre inattendue », Lisa pourrait paniquer, en présence d’un inconnu qu’elle a laissé entrer imprudemment chez elle, en l’absence de son petit ami, Michel. Le suspense est savamment ménagé et tient le lecteur en haleine jusqu’au dénouement qui constitue ce qu’on appelle en littérature une gradation descendante (les Anglais parleraient d’« anticlimax »).

La note d’humour est toujours là pour détendre l’atmosphère. Bien entendu, certaines nouvelles nous reportent à la jeunesse de l’auteur, à ses joies, à ses illusions (« Tracy, la girl-friend de Léonard », « Adagio ma non troppo »), à ses réussites comme à ses déconvenues, à ses premières armes dans le métier d’enseignant, à ses rapports avec ses collègues, au comportement même de certains d’entre eux, comme en mai 1968 [« Avis de tempête (Ah, le joli mois de mai ! »)]. Des portraits d’inconnus pour nous (hommes et femmes) sont rapidement tracés (« Une rencontre inattendue », « Une jeune femme d’autrefois »). D’autres, au contraire, évoquent les rapports entre un grand-père, déconnecté de l’existence, plongé dans ses études, constamment amené à faire des citations, et sa petite-fille bien de son siècle (« En retard »), les trahisons ou les déceptions sentimentales (« Tout doit disparaître », « Une foutue journée de merde »), ou abordent des problèmes sociétaux et existentiels.

Ce qui reste au soir d’une vie bien remplie, ce ne sont pas toutes ces femmes évoquées dans les nouvelles (Antonella, Élisabeth, Natacha, Francine et tant d’autres), emportées vers le pays où l’on n’arrive jamais (Cf. André Dhôtel), et qui nous font penser aux femmes des Contes d’Hoffmann d’Offenbach. Ce ne sont pas non plus les regrets d’un passé désormais révolu, ni la rancœur. Ce qui reste donc au poète, au romancier, au conteur, comme à l’universitaire longtemps absorbé par ses recherches et ses cours, c’est l’imagination. En effet, comme disait la petite fée d’Anatole France à l’illustre Sylvestre Bonnard, membre de l’Institut (Le Crime de Sylvestre Bonnard, II), « rien n’existe que ce qu’on imagine ». La réalité fait ainsi place au rêve. C’est cette imagination qui désormais préside à la recherche d’un paradis perdu. L’auteur conclut en effet son recueil sur ces mots : « Les fantômes de notre jeunesse ont disparu : ils ont continué à vivre dans une autre dimension. Celle qu’on a coutume de nommer l’imagination ».

Jean-Pierre Mouchon

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Maurice Abiteboul, Dernières nouvelles du paradis, Édilivre, 2017, 167 pages