Méthode pour rédiger un beau mémoire pédagogiste

Par Société des agrégés, le 6 décembre 2014

Méthode pour rédiger un beau mémoire pédagogiste

La méthode

Le plan. Inutile de vous en préoccuper avant de commencer la rédaction. Quelques titres jetés çà et là sont du plus bel effet. Des listes à puces placées en fin de document soulageront votre lecteur d’une lecture trop exigeante : elles résumeront votre propos et montreront que vous avez pensé à tout.

Les annexes sont indispensables. Sous la forme de tableaux, elles auront un caractère scientifique indiscutable. Il serait mieux de pouvoir présenter des chiffres mais si cela vous est impossible, ne vous découragez pas : toute case peut contenir un texte.

Un texte consistant

Aérez la mise en page. Onze pages font mieux que dix. Vous aurez recours à l’interligne, aux listes à puces et aux sauts de pages.

Multipliez les doublons. Chaque fois que vous employez un nom ou un adjectif, pensez à la possibilité de le lier à un autre : « d’ajustements et de réglages », « identifiées et reconnues »…

Pensez à vos conjonctions. Avec la conjonction de coordination « et », vous ajoutiez deux lettres au texte, le même procédé étant possible avec « ou ». Faites encore mieux : utilisez « ou/et » ou « et/ou », alliance plus subtile et qui vous distinguera à coup sûr. De même, le balancement : « non seulement…mais aussi » est pauvre, il sera utilement enrichi : « non seulement… mais… aussi et surtout ».

Truffez votre texte de locutions magiques. « Il est nécessaire aussi de ne pas » est bien plus efficace qu’un simple « il faut », « le présent texte » plus agréable à lire qu’un banal « ce texte ».

Développez votre propos, même au prix d’une légère faute de grammaire. On peut ajouter possible après « meilleur » ? Vous pouvez faire mieux : « définir, si nécessaire, les meilleures stratégies possibles que ce soit… »

Préférez la formule au mot : dites « pratiques évaluatives » ou « usages évaluatifs » plutôt qu’« évaluation ». Ce qui donne, par exemple : « porteur d’un certain nombre d’inflexions significatives en matière de pratiques évaluatives ». Une belle phrase introductive.

N’oubliez pas l’énumération, le procédé le plus efficace pour allonger votre texte. Les trois petits points créeront une pause bienvenue dans la lecture. L’énumération peut prendre la forme d’une parenthèse : « avec les familles et les autres parties prenantes du système scolaire (acteurs du périscolaire, partenaires locaux de l’école, institutions, chercheurs…). » ou occuper une phrase complète : « Elle ne signifie pas la même chose pour les élèves, les parents, les enseignants, les chefs d’établissement, les inspections, les partenaires de l’école… ». Cette énumération peut-être agrandie à l’infini, en fonction de la place qu’il vous reste à remplir.

Un contenu brillant

Définissez, définissez, définissez : les mots les plus simples sont les plus compliqués. Ce qui vous permettra ainsi d’écrire : « L’évaluation consiste en une collecte d’informations sur des performances ou/et des comportements d’apprentissage des élèves. Ces informations sont recueillies en fonction d’objectifs précis d’apprentissage, fixés par les enseignants ou par des normes plus générales ».

N’ayez pas peur des évidences. Ce qui compte n’est pas ce que l’on dit mais comment on le dit. « L’évaluation ne se comprend pleinement que si l’on veille à ce que ses modalités et résultats soient, à chaque fois, adaptés et expliqués aux destinataires » ou encore « L’évaluation doit être organisée en fonction de grands principes directeurs, que le présent texte se propose de définir, mais elle doit aussi et surtout se concrétiser par des pratiques en contexte et en situation. » remporteront l’adhésion du lecteur à peu de frais.

Répétez-vous : n’ayez pas peur de vous paraphraser, de vous auto-plagier, même à quelques lignes d’intervalle. Le lecteur sera en terrain connu. Ainsi vous pouvez dire : « Ceux-ci doivent impérativement être dotés d’une culture professionnelle de l’évaluation riche et variée, et pouvoir faire évoluer celle-ci tout au long de leur carrière – ce qui renvoie à la nécessité d’outiller les enseignants tant lors de leur formation initiale que via la formation continue. » et quelques lignes plus loin, sur la même page : « Dans ce contexte, il est évident que l’enseignant doit pouvoir trouver les soutiens en matière d’accompagnement de sa pratique qui sont nécessaires à ce que son « outillage » soit efficace et susceptible d’évolutions. »

Soulignez vos audaces par des guillemets : dans l’exemple précédent, le terme « outillage » entre guillemets attire efficacement l’attention sur votre capacité à créer vous-même le matériau de votre propre réflexion. Vous ne vous soucierez donc pas des rapprochements scabreux ou des jeux de mots que les esprits mal placés pourraient être tentés de faire. Votre langue est radicalement nouvelle et n’entretient aucun rapport avec le dictionnaire (voir point suivant).

Abusez des mots spécifiques. Insistons bien sur ce point : vous ne parlez pas la même langue que tout le monde, vous êtes un professionnel. Il conviendra donc de placer dans votre texte : « professionnalités », « descripteurs », « curriculaire », « formative » « sommative » ou des expressions comme « les modalités d’objectivation de ces acquis spécifiques ».

Faites preuve de créativité : usez des mots dans un sens qui vous est propre. Utilisez « adéquation » sans complément, « assurer » comme dans « une telle explicitation assure qu’on puisse discuter ». Vous pouvez même écrire « instruire » pourvu que le verbe échappe absolument aux emplois scolaire et judiciaire.

Pensez bien. Employez les termes « collectif », « dynamique », « dialogue » et tous les mots de la même famille. Même si vous êtes en train de rédiger tout seul un rapport destiné à dynamiter la réflexion collective entreprise sur la base d’une concertation participative.

De cette façon, vous aurez réussi à dire en 11 pages ce qui peut être dit en trois mots en esquivant les questions délicates. Vous aurez rendu un bon devoir qui vous vaudra une bonne note et assurera votre titularisation autant qu’une brillante carrière dans l’Éducation nationale jusqu’à votre retraite – si vous pouvez le supporter.

Nous remercions le CSP et le rapport qui nous a inspirés.