Rapport Mathiot : sous le baccalauréat, la rigueur budgétaire

Par Société des agrégés, le 25 janvier 2018

Rapport Mathiot : sous le baccalauréat, la rigueur budgétaire

La réforme qui vient d’être proposée par la mission baccalauréat au ministre, est une nouvelle illustration de la difficulté majeure qui se pose à tout ministre de l’Education nationale : tenir le budget tout en assurant une formation d’excellence à tous nos jeunes. Le rapport qui vient d’être publié est confus. Derrière de bonnes intentions, il contient de nombreuses contradictions. Si l’on sent les efforts réalisés pour rédiger un tel document qui – pour une fois! – a l’air d’être le produit d’un véritable travail personnel, le résultat n’est absolument pas clair et, sur certains points, parfaitement inquiétant.

Un rapport qui ne résout pas les défauts du baccalauréat

Le diagnostic était pourtant nettement posé : un baccalauréat à l’organisation trop complexe et un taux de réussite à l’examen qui masque mal l’échec de la plupart des bacheliers dans les premières années du supérieur (60% en première année !).

Affichant des intentions louables pour les élèves (un meilleur accompagnement vers le supérieur, une volonté de réduire le taux d’échec post bac), le rapport est prisonnier d’un cahier des charges extrêmement serré dont l’exigence principale est de ne pas revenir sur le taux de réussite au baccalauréat ni sur l’objectif des 80%. Cette seule exigence rend impossible toute lisibilité de l’examen français et sa reconnaissance sur la scène internationale.

Par ailleurs, il ne définit pas concrètement quelle est la formation intellectuelle, pratique et morale attendue des élèves. Il n’explique pas comment remédier aux défauts actuels de leur formation parce qu’il n’en pose pas clairement le diagnostic : manque de temps pour le travail personnel et le développement des capacités, formation d’un esprit clair et autonome, quel que soit le parcours ultérieur envisagé.

Un rapport aux objectifs budgétaires

Le rapport trahit surtout la volonté inavouée de faire des économies d’heures et de postes. En effet, la conséquence principale de la création de « majeures » et de « mineures », est de permettre, derrière l’affichage de parcours différenciés, des cours en commun, au-delà des filières actuelles, voire au-delà des niveaux (puisqu’est envisagée la fusion des premières et terminales dans certains cours).

Un nombre en augmentation de cours indifférenciés (préparation d’un grand oral, heures réservées à l’orientation) permet également d’avoir des professeurs interchangeables au-delà de leurs disciplines, sur le modèle des EPI du collège ou de l’accompagnement personnalisé. C’est donc une vision purement quantitative des contenus qui est à l’œuvre ici. La personnalisation du parcours des élèves n’est qu’apparente.

De plus, il est manifeste que l’augmentation de la part du contrôle continu et la diminution du nombre d’épreuves terminales auront surtout pour effet d’économiser les frais de correction, déjà modiques, payés (toujours en retard) aux professeurs.

Une volonté de réforme globale : baccalauréat, lycée, ressources humaines

Ce rapport ne se contente pas d’envisager une réforme du baccalauréat, il s’inscrit dans une réforme globale du lycée avec des effets sur la gestion des ressources humaines et sur les conditions d’enseignement qui se sont déjà lourdement dégradées ces dernières années. La diminution des volumes horaires dans les disciplines a eu pour conséquence l’augmentation du nombre d’élèves par professeur, l’accroissement des tâches de correction et de suivi des élèves et donc une augmentation invisible et pourtant bien réelle de la masse de travail des professeurs, sans aucun effet positif sur le niveau des élèves.

Par ailleurs, les emplois du temps des professeurs sont de plus en plus morcelés : ils rendent plus difficile l’organisation de leurs tâches et ont des incidences importantes sur leur vie personnelle. Cet accroissement de la pénibilité du métier, qui a pour conséquence directe un net manque d’attractivité de la profession, a été sous-estimé voire ignoré du ministère, faute d’outils permettant de la mesurer.

En apparence, rien n’a changé pour les professeurs parce que leurs obligations de service ont apparemment peu évolué. En réalité, les conditions pratiques d’exercice du métier se sont dégradées : une masse de travail en augmentation au-delà des seules heures de cours et des relations plus complexes avec des élèves avec lesquels on a plus de mal à nouer les liens pédagogiques nécessaires à la transmission. La réforme du baccalauréat, telle qu’elle se présente, risque de dégrader davantage le contexte d’enseignement : professeurs et matières interchangeables, augmentation des conférences et exposés d’actualité…

Depuis plusieurs années, les économies sont toujours cherchées dans la même direction : la réduction de l’offre d’enseignement. Sous l’écume de propositions qui ont l’apparence de la nouveauté, c’est toujours la même ligne, celle des réformes Darcos, Chatel, celle de la réforme du collège engagée avec la refondation de l’école par les ministres Peillon, Hamon, Vallaud-Belkacem: une réduction du nombre d’heures disciplinaires, une tendance à l’indifférenciation des cours, le caractère interchangeable des professeurs… Malheureusement, pour le moment, cette option a eu pour effet de dégrader à la fois les conditions de travail pour les professeurs et les performances des élèves.