Université contre prépa, le faux débat (3)

Par Société des agrégés, le 13 février 2013

Université contre prépa, le faux débat (3)

On l’a dit précédemment, les arguments avancés contre les classes préparatoires portent sur l’écume et masquent une réalité inquiétante. L’Université française ne sait plus qui elle est ni ce qu’elle doit être et personne ne saurait aujourd’hui la définir en termes clairs et précis, ce que les deux lois en préparation illustrent fort malheureusement [1].

Peinant à exister à côté d’autres systèmes à l’identité forte, qu’ils soient uniquement axés sur la recherche ou essentiellement tournés, comme les classes préparatoires, vers l’enseignement, l’Université s’inquiète devant les classes préparatoires, s’inquiète devant les grandes écoles, s’inquiète devant les écoles de commerce qui, hors de France, parviennent mieux qu’elle à incarner la spécificité française quand elle n’arrive pas à atteindre le haut des classements internationaux.

Depuis plusieurs années, elle n’a trouvé comme solution à la désaffection progressive des étudiants qu’une course au gigantisme, essayant d’absorber en son sein toutes sortes de filières, de parcours, de cursus, développant à la fois filières de recherche et filières professionnelles, parcours en alternance et parcours classiques, cherchant à rivaliser avec tout le monde. Le ministre, madame Geneviève Fioraso, a récemment mis en évidence la confusion née de la multiplicité des masters mais elle n’est pas allée jusqu’au bout du raisonnement : cette multiplicité trouve sa cause dans l’absence de définition de l’Université et dans une voie de développement dans laquelle elle s’embourbe.

Parallèlement, il faut bien constater que l’enseignement est de plus en plus apparu comme le parent pauvre de la recherche : absence de priorité dans les financements, cours confiés à des « soutiers » de l’Université, vacataires, contractuels et Pr.Ag. [2], parfois même désintérêt pour les difficultés des étudiants de première année quoique l’honnêteté oblige à constater que la question commence à être largement posée – il était temps.

La défense de l’Université uniquement fondée sur l’attaque de systèmes considérés à tort comme des concurrents et sur la volonté suicidaire de les absorber est un symptôme, le symptôme d’une maladie grave qu’il conviendrait de soigner : le salut du système universitaire ne passe pas par la fin d’autres systèmes mais dépend de sa capacité à se réinventer et à redéfinir ses objectifs propres. Malheureusement, ce n’est apparemment pas l’ambition du législateur…

 

[1] Loi d’orientation et de programmation sur la refondation de l’école et loi sur l’enseignement supérieur et la recherche.

[2] Les Pr.Ag. sont des professeurs agrégés du secondaire affectés dans l’enseignement supérieur. Contrairement aux maîtres de conférences et aux professeurs, leur affectation dans l’enseignement supérieur n’entraîne pas de changement de corps. Voir le rapport de la Société des agrégés, malheureusement toujours d’actualité : Les professeurs agrégés à l’Université.