Les annonces de Gabriel Attal pour « élever le niveau de notre école » : une approbation sous réserves et sous conditions de la Société des agrégés

Par Société des agrégés, le 9 décembre 2023

La Société des agrégés a pris connaissance des annonces que le ministre a faites aux professeurs puis au public, dans le cadre de la mission exigence des savoirs, afin d’élever le niveau de notre école. Elle constate avec satisfaction un changement radical dans le discours ministériel, qui remet notamment la transmission des savoirs au cœur des missions de l’école, avec le souci de conduire tous les élèves au maximum de leurs capacités. Seul le savoir permet, en effet, aux enfants, quel que soit leur milieu d’origine – notamment aux plus défavorisés qui n’ont que l’école pour s’instruire et se cultiver –, de s’émanciper, d’apprendre à penser par eux-mêmes, de se libérer des déterminismes sociaux et de construire leur avenir. C’est dans cette perspective que la Société des agrégés a analysé les principales annonces du ministre.

L’autorité des professeurs confortée

La Société des agrégés se réjouit que le ministre envoie un signal de confiance aux professeurs, en reconnaissant leur expertise disciplinaire et professionnelle.

Passage en classe supérieure et redoublement

Elle estime raisonnable que la décision de passage en classe supérieure ou de redoublement revienne en dernier ressort au conseil de classe. Pour que le redoublement soit efficace, des moyens spécifiques et des dispositifs plus personnalisés doivent accompagner les élèves concernés. Le redoublement, pris dans l’intérêt des élèves, doit, autant que possible, être rendu compréhensible et acceptable, sans que les élèves se sentent stigmatisés. C’est le regard de toute la société sur l’école qui doit évoluer à cette fin.

Revalorisation du brevet et du baccalauréat

La Société des agrégés approuve la volonté du ministre de renforcer l’exigence globale du brevet et du baccalauréat, notamment par la suppression des correctifs académiques. Des consignes nationales, dans le respect des exigences de l’examen, doivent être cependant données aux correcteurs pour qu’ils se fondent tous sur les mêmes critères. En outre, les notes d’examen des élèves devraient être systématiquement communiquées à leurs professeurs.

L’entrée en classe de seconde

La Société des agrégés considère que l’obligation d’obtenir le brevet pour pouvoir passer en seconde est une bonne décision, l’échec à cet examen révélant objectivement des lacunes importantes qu’il convient de combler pour favoriser, par la suite, une scolarité réussie. À cet égard, la création de prépas lycée, pour les élèves les plus en difficulté, peut être intéressante, sous condition de petits effectifs et d’un accompagnement pédagogique renforcé.

L’instauration de groupes de niveaux au collège

Les groupes de niveaux en français et en mathématiques peuvent avoir leur pertinence à condition que les élèves puissent passer d’un groupe à un autre, y compris en cours d’année, lorsque leur niveau évolue. Ces groupes doivent avoir pour objectif de faire converger le plus possible les élèves vers le niveau du groupe initialement le plus avancé. La nécessité d’un effectif réduit pour les élèves ayant le plus de besoins ne doit pas être compensée par des effectifs importants dans les autres groupes ou dans les autres disciplines. Des moyens supplémentaires d’enseignement sont donc nécessaires. Il faut enfin avoir conscience que l’instauration de ces groupes entraînera pour les chefs d’établissement et les professeurs des contraintes supplémentaires dans la confection des emplois du temps.

L’enseignement des mathématiques

Concernant la méthode de Singapour

D’une part, une méthode d’enseignement, plus spécialement à l’école primaire, s’inscrit dans une société ; il serait donc vain de prétendre transposer sans adaptation une méthode d’un pays très différent du nôtre. D’autre part, les enseignants concernés doivent être véritablement formés pour pouvoir comprendre et s’approprier cette méthode, de façon à être en mesure de décider, en vertu de leur liberté pédagogique, quand et comment en utiliser les principes dans leurs classes.

Concernant les mathématiques au lycée

Il est bon de réfléchir à l’enseignement des mathématiques au lycée général, qui n’est actuellement satisfaisant pour personne. L’introduction d’une épreuve de mathématiques pour tous les élèves en fin de première serait bénéfique, à condition qu’elle ne conduise pas à la récitation d’exercices types. Cette épreuve devrait être la même pour tous les élèves de lycée général d’une part, de lycée technologique d’autre part, à l’instar de l’épreuve de français.

La labellisation des manuels scolaires

La labellisation des manuels scolaires peut se concevoir à condition, d’une part que ces labels soient décernés par des instances indépendantes et transparentes, où professeurs et scientifiques puissent décider librement, sans pression ni de la hiérarchie du ministère ni des éditeurs, et, d’autre part, que ces labels servent d’indications – et non de prescriptions – pour que les professeurs puissent choisir les ouvrages qu’ils utiliseront, conformément au principe de la liberté pédagogique, inscrite dans la loi. Le dogmatisme pédagogique, souvent reproché à la formation dans les INSPE, ne doit pas être remplacé par un autre dogmatisme. La Société des agrégés estime que les professeurs sont les plus compétents pour choisir, en fonction des classes et des élèves qui leur sont confiés, les outils et les méthodes pédagogiques les plus efficaces.

La nécessité d’importants moyens humains et financiers

Enfin, comme le ministre l’a lui-même reconnu, la mise en œuvre de ces mesures nécessitera d’importants moyens humains. Non seulement il faut revenir sur les suppressions de postes prévues dans le projet de loi de finances, mais il faut aussi offrir aux concours suffisamment de postes et, pour les pourvoir, sans renoncer aux exigences, rendre le métier de professeur plus attractif en augmentant les rémunérations et en améliorant les conditions de travail.

Une plus grande exigence pour les élèves ne saurait passer par une moindre exigence dans le recrutement des professeurs. La Société des agrégés, dans un vœu sur la formation initiale et le recrutement des professeurs, rappelle son attachement indéfectible au recrutement des professeurs par des concours nationaux, disciplinaires et exigeants.

Ces recrutements ne suffiront pas à couvrir tous les besoins et il faudra, sans doute, recourir à des heures supplémentaires. Il est impératif que le taux des HSA soit significativement augmenté. Actuellement, pour un professeur en milieu de carrière, une HSA est payée environ 35 % de moins qu’une heure normale : elle devrait être rémunérée au moins 10 % de plus qu’une heure normale.

La crédibilité de Gabriel Attal et de son projet dépend désormais de sa capacité à obtenir du Parlement les crédits nécessaires pour la mise en œuvre de celui-ci. Les instances de la Société des agrégés suivront attentivement les étapes de sa mise en application, en dénonceront les dérives, s’il y a lieu, et continueront de faire des propositions constructives pour élever le niveau de notre école.