Audience au ministère sur la formation initiale et les concours de recrutement

Par Société des agrégés, le 18 avril 2025

Reçue le 14 avril 2025 au Ministère de l’Éducation nationale pour discuter du projet de réforme de la formation initiale et du recrutement des enseignants, constatant la volonté ministérielle de garder le positionnement des concours en 3e année de licence, la Société des agrégés a fait des propositions susceptibles de pallier les défauts du projet de réforme en cours…

Positionnement du CAPES en L3

Tout d’abord, sur le positionnement du CAPES en L3, il ne faut pas oublier qu’historiquement le CAPES était préparé après une L3 complète, et non en cours de L3 : ce nouveau positionnement ne peut être accepté qu’en tenant compte du fait que les lauréats du nouveau CAPES ne seront pas directement des professeurs, mais des élèves-professeurs suivant encore une année de formation avant leur stage, et en en tirant les conséquences nécessaires.

Constatant la volonté ministérielle de garder ce positionnement en cours de L3, la Société des agrégés a proposé de supprimer l’entretien de motivation, qui n’est fondé sur aucun contenu scientifique. Cette suppression éviterait en outre que soient consacrées à la préparation de cette épreuve des heures qui le seraient plus utilement à la formation disciplinaire. C’est d’autant plus important qu’un besoin de préparation trop spécifique au CAPES lors de la L3 serait de nature à conduire les universités à différencier dès ce niveau les parcours CAPES et recherche/agrégation, ce qui serait un danger pour ces deux dernières. Nos interlocuteurs nous ont assuré qu’un tel Y dès la L3 n’est pas ce que souhaite le ministère ; nous devons tous être vigilants sur ce point car c’est pourtant ce qui se dessine dans des universités, à contrecœur mais en raison des contraintes de réorganisation que pose la réforme. Parallèlement, nous suggérons de renforcer les épreuves orales par une mini-leçon, à l’instar de la leçon qui existe dans les épreuves d’admission des différents concours d’agrégation. La préparation d’une telle épreuve renforcerait le bloc d’heures dédiées à la formation disciplinaire lors de cette année de préparation.

Enfin, il a été relevé et expliqué à nos interlocuteurs que certains sujets zéro ou programmes de ce nouveau CAPES manquaient d’exigence. Ainsi, le sujet zéro de Lettres modernes repose sur un programme de littérature équivalent, voire inférieur au programme de littérature dispensé actuellement en classe de Première générale. Il est à craindre que des épreuves fondées sur des programmes conçus aussi vite et sans profondeur ne requerraient qu’une préparation superficielle sur le plan disciplinaire et ne permettraient donc en rien d’élever le niveau des futurs enseignants. Il serait alors difficile de concevoir que des collègues qui doivent apprendre à gérer une classe aient envie de rester dans l’éducation nationale s’il ne leur est même pas possible de se reposer sur leurs bases disciplinaires. Il ne faut pas seulement attirer des candidats au concours, il faut leur donner les moyens de faire carrière du moment où ils auront été recrutés à la veille de leur retraite.

Les années Post-CAPES

L’octroi du statut d’élève fonctionnaire rémunéré aux lauréats du CAPES pendant l’année de M1 constitue un réel progrès par rapport à l’ancien projet de réforme. Nous estimons toutefois que ce statut doit être un tremplin et non une prison.

Il faut veiller à la préservation du vivier des étudiants se destinant à l’agrégation : par conséquent il ne serait pas bon de contraindre trop tôt les étudiants à s’inscrire dans un cursus sans souplesse où il ne serait plus possible de se réorienter dans un parcours recherche. Une telle organisation dissuaderait les étudiants méritants avec de réelles capacités, mais sans ressources financières pour aller jusqu’au M2 recherche, de choisir la voie dédiée à l’agrégation. Il serait dommageable pour les étudiants issus des classes les plus fragiles de se professionnaliser sans avoir la possibilité d’explorer le parcours recherche dans des conditions décentes et d’aller au maximum de leurs capacités. Pour éviter cela, la Société des agrégés a vivement suggéré deux dispositifs.

D’une part, qu’il soit donné à 10% des lauréats du nouveau CAPES reçus parmi les meilleurs d’accéder au statut et à la rémunération d’élèves-professeurs pour deux ans en vue de préparer un M1 disciplinairement renforcé, compatible avec un parcours recherche puis la préparation de l’agrégation ; ainsi leur mérite serait reconnu. Selon un tel schéma, ces élèves-professeurs seraient soulagés des contraintes professionnalisantes afférentes au projet de décret actuel régissant ce nouveau statut d’élèves-professeurs et de fonctionnaires-stagiaires.

D’autre part, ou à défaut, que les lauréats du CAPES qui s’en sentent capables puissent, pendant l’année de M1 rémunérée, choisir de remplacer une partie des périodes de stage d’observation par un renforcement de leur formation disciplinaire, dans la perspective de préparer ensuite l’agrégation. En fin d’année, un oral de type « leçon » devant un jury relevant, comme celui du CAPES, du Ministère de l’Éducation nationale permettrait à ce dernier de s’assurer que le lauréat a néanmoins convenablement commencé d’acquérir les aptitudes nécessaires au métier. Cette organisation aurait par ailleurs le mérite de mieux préserver l’autonomie universitaire : à l’université la décision de valider le M1, à l’employeur de valider ce qui relève du métier.

La Société des agrégés estime en revanche que la suppression, en M2, du « mémoire de recherche » est cohérente avec la finalité professionnelle de ce master et qu’elle est acceptable à condition que, comme exposé ci-dessus, soit donnée aux élèves-professeurs, en droit et en fait, la possibilité de renforcer leur formation pour rejoindre un parcours recherche.

Autres points

La Société des agrégés a appelé les autorités à vérifier les dispositions prévoyant les possibilités de congés des élèves fonctionnaires, car il semble que certains soient prévus et non d’autres, d’une façon dont la cohérence n’apparaît pas. Pour des raisons de clarté, il a été suggéré de revoir la rédaction de ces dispositions de façon explicite, plutôt que par retranchements aux dispositions du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 comme actuellement prévu.

Elle s’est montrée sceptique concernant la dispense d’épreuves écrites du CRPE prévue pour les étudiants des licences dédiées.

Tous ces éléments ayant été discutés, la Société des agrégés a demandé une meilleure valorisation des compétences des agrégés dans le système éducatif. Elle a exprimé sa volonté de voir une revalorisation significative du traitement des agrégés. Enfin, la Société des agrégés a demandé de nouveau l’annulation du décret n° 2024-727 du 6 juillet 2024 ayant acté la déconcentration de la gestion des agrégés pour les raisons qu’elle avait déjà exprimées lorsque ce n’était qu’un projet. Elle a enfin souhaité la création rapide d’une agrégation interne d’informatique.